Emploi des langues dans les autorisations (urbanistiques)

Rapport d'activités 2014-2015

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Construire, restaurer, abattre des arbres, creuser… sont des activités qui nécessitent un permis d’urbanisme.2 Même si une autorisation préalable n’est pas nécessaire pour certains petits travaux, il faut cependant veiller à ce que les travaux réalisés soient en conformité avec des plans d’exécution spatiaux3, des plans particuliers d’aménagement etc. Bien que la réglementation régissant les autorisations urbanistiques soit reprise dans le Code flamand de l’aménagement du territoire4 , la loi sur l’emploi des langues ne peut être ignorée.

Notes de bas de page:

2 Code flamand de l’aménagement du territoire, M.B. 20 août 2009; équivalent du ‘permis d’urbanisme’ en Wallonie ou à Bruxelles. 
3 Code flamand de l’aménagement du territoire, M.B. 20 août 2009. 
4 Idem.


C’est ce qu’il ressort d’une demande d’avis introduite par une commune à facilités en août 2015 concernant la langue/les langues dans laquelle/lesquelles l’autorisation urbanistique demandée par l’asbl de Rand devait être affichée dans la commune. L’asbl en question n’avait affiché l’autorisation qu’en néerlandais et l’administration communale concernée se demanda si ce choix n’allait pas à l’encontre de l’article 24 de la loi sur l’emploi des langues, selon lequel les avis et communications dans les communes à facilités doivent être affichés en néerlandais et en français.

La décision explicite relative à une demande d’autorisation urbanistique est délivrée par l’administration communale. Cette décision doit être disponible sur le terrain durant les travaux et l’avis accompagnant la décision doit être visiblement affiché.

Si une autorité diffuse un texte « sans distinction de personne » et de façon identique pour tous, ce texte est considéré comme un avis ou une communication au public. Étant donné que, sur la base de l’article 4.7.19, §2 du Code flamand de l’aménagement du territoire, la décision explicite concernant une demande d’autorisation doit être affichée à un endroit bien visible pour permettre à toute personne intéressée et aux riverains d’en prendre connaissance et, le cas échéant, d’introduire un recours, la qualification de ‘avis et communication au public’ semble indiquée.

Selon le Code flamand de l’aménagement du territoire, le demandeur de l’autorisation est tenu d’afficher l’avis. En l’espèce, l’autorisation urbanistique a été accordée par les autorités flamandes à une asbl appuyant le caractère néerlandophone des 19 communes de la périphérie flamande. Cette asbl réalise ses objectifs au moyen de diverses activités socioculturelles. Compte tenu de son caractère spécifique, le statut de cette asbl mérite d’être étudié en profondeur.

L’asbl de Rand fut créée fin 1996 par le Gouvernement flamand.5 Par décret du 7 mai 2004, l’asbl fut transformée en agence autonomisée externe de droit privé (AAE).6 Bien que l’assemblée générale et le conseil d’administration se composent pour la plupart de représentants de la Communauté flamande et de la province du Brabant flamand, que le fonctionnement de l’asbl soit principalement financé par des dons et des subventions des autorités flamandes et que les activités de l’asbl cadrent dans la compétence d’administration intérieure, l’asbl, en sa qualité d’agence autonomisée externe de droit privé, ne fait pas partie de l’administration flamande en tant que telle.

Toutefois, le fait qu’il s’agit d’une institution privée ne suffit pas en soi pour déclarer que la loi sur l’emploi des langues ne s’applique pas. Il est clair que l’asbl de Rand peut être considérée comme un service chargé d’une mission dépassant les limites d’une entreprise privée que la loi ou les pouvoirs publics lui ont confiée dans l’intérêt général. Par conséquent, l’article 1, §1, 27 de la loi sur l’emploi des langues est d’application, sauf en ce qui concerne l’organisation des services, le statut des membres du personnel et les droits qu’ils ont acquis.


Notes de bas de page: 

5 Décret du 17 décembre 1996 portant création de l’asbl « De Rand » en vue d’appuyer le caractère néerlandophone de la périphérie flamande de Bruxelles. 
6 Décret portant transformation de l’a.s.b.l. « de Rand » en une agence autonomisée externe de droit privé [et portant fixation des compétences de la province du Brabant flamand relatives à l’appui du « Vlaamse Rand »] M.B. 28 mai 2004. 
7 En vertu de cet article, la loi sur l’emploi des langues est d’application aux personnes physiques et morales concessionnaires d’un service public ou chargées d’une mission qui dépasse les limites d’une entreprise privée et que la loi ou les pouvoirs publics leur ont confiée dans l’intérêt général.

À la lumière de ce qui précède, l’adjoint du gouverneur a conclu que l’article 24 de la loi sur l’emploi des langues doit être appliqué. Ceci implique que l’autorisation urbanistique aurait dû être affichée en néerlandais et en français, le néerlandais ayant la priorité.

Mais que ce serait-il passé si le demandeur de l’autorisation avait été un particulier ou une personne morale qui ne tombe pas sous l’application de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative? Aurait-il également fallu afficher l’autorisation urbanistique en néerlandais et en français?

Bien que l’article 4.7.19, §2 du Code flamand de l’aménagement du territoire reprenne des exigences concernant l’affichage de l’autorisation urbanistique, c’est le Collège des bourgmestre et échevins qui décide de l’octroi ou non de l’autorisation. L’autorisation est donc un document administratif émanant d’un organe de droit public tombant sous l’application de la loi sur l’emploi des langues.

Sur la base de l’article 26 de la loi sur l’emploi des langues, les autorisations délivrées aux particuliers dans les communes périphériques sont rédigées en néerlandais ou en français, tel que souhaité par la personne concernée. Si, cependant, les autorisations sont communiquées au public, les avis d’autorisations affichés doivent être qualifiés d’avis et communications au public. Par conséquent, l’affichage doit être effectué en néerlandais et en français dans les communes à facilités, le néerlandais ayant la priorité.

Le fait que le législateur décrétal confie au demandeur, en général un particulier, l’action physique de l’affichage de l’autorisation sur la parcelle à laquelle la demande se rapporte ne signifie pas qu’il s’agit d’une communication ÉMANANT d’un particulier. En outre, le particulier ne peut pas apporter de modifications au document en question, ni ne dispose d’une marge d’opportunité pour juger si le document doit être affiché entièrement ou partiellement.

Le demandeur/particulier ne peut dès lors pas non plus sélectionner des pièces qui, conformément à la loi sur l’emploi des langues, lui ont été remises par les autorités communales dans les deux langues, afin de rencontrer les exigences en matière de l’affichage reprises à l’article 4.7.18 du Code flamand de l’aménagement du territoire.


L’affichage de l’autorisation a pour but d’informer le public du fait que l’administration communale a donné son autorisation pour effectuer les travaux. Cela permet aux riverains et à d’autres personnes concernées d’introduire un recours contre le projet s’ils le souhaitent.

Le Code flamand de l’aménagement du territoire ne comprend pas de directive spécifique quant aux sanctions pour non-respect de l’affichage légalement obligatoire. Afin de garantir la sécurité juridique, cette législation est centralisée autour du respect des délais; en cas de contestation, beaucoup d’importance est accordée à la visibilité et à la lisibilité de l’avis. Il faut qu’il puisse être lu et compris par le plus grand nombre. Dans ce cadre, et compte tenu de la qualification juridique de cet avis, il y a lieu de tenir également compte des dispositions de la loi sur l’emploi des langues, qui sont d’ordre public.

Le non-respect des prescrits (linguistiques) peut résulter en une suspension ou une annulation par le Conseil d’État pour cause de fautes de procédure.8 Le demandeur ne pourra donc pas entamer les travaux ou devra les arrêter. Dans le cas qui nous occupe, l’adjoint du gouverneur a donc vivement recommandé à l’administration communale de contacter l’asbl de Rand et de souligner l’importance d’un affichage correct de l’autorisation. En cas de contestation, cela permettrait à l’administration de démontrer qu’elle a fait le nécessaire pour faire respecter la loi.

Note de bas de page:

8 Voir arrêts C.E. n° 224.226 du 2 juillet 2013; 215.707 du 11 décembre 2011.