Tutelle administrative spécifique

Rapport d'activités 2016-2019 - Statistiques

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La tutelle administrative spécifique

La tutelle administrative spécifique sur les autorités locales des communes périphériques se rapporte à l’emploi des langues en matière administrative et dans l’enseignement.

Bien que l'organisation et l’application de la tutelle administrative (ordinaire) soient confiées aux régions85 depuis le 1er janvier 2002, le contrôle sur le respect de l'emploi des langues en matière administrative dans les communes périphériques reste une compétence fédérale au sens de l'article 7, §1er, deuxième alinéa de la LSRI.86 En vertu de cet article les communautés ainsi que le gouvernement fédéral peuvent organiser une tutelle administrative spécifique pour leurs propres pouvoirs.

Le législateur fédéral a organisé une telle tutelle administrative spécifique pour le respect de la législation linguistique dans les communes périphériques par les articles 65bis et 58 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. Ce contrôle doit assurer l’application correcte de la législation linguistique par les autorités locales dans les communes périphériques ; il se traduit en pratique par la suspension ou l’annulation de décisions qui sont en contradiction avec les règles linguistiques.

La compétence de suspendre des décisions des communes périphériques pour violation de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative a été confiée à l’adjoint du gouverneur par l’article 65bis de cette loi. La suspension sort ses effets pendant 40 jours. Concrètement, cela veut dire qu’elle est levée après quarante jours, sauf si l’administration annule la décision.

La compétence d’annulation est confiée à l'autorité de contrôle, aux cours et tribunaux ou au Conseil d'État par l'article 58, deuxième alinéa. Par le terme «autorité de contrôle», l’article 58, 2ème al. LCLA fait référence aux autorités qui exercent le contrôle en vertu du droit commun dans ce domaine,87 de sorte que le gouvernement régional, en l'occurrence le ministre flamand de l’Administration intérieure, est compétent en la matière.

De plus, l'article 7, §5 de la loi du 2 août 1962 confie à l’adjoint du gouverneur également le contrôle sur l'application de la réglementation relative à l’emploi des langues dans l'enseignement dans les communes périphériques. Bien que l'emploi des langues dans l'enseignement soit en principe régi par la loi du 30 juillet 1963, la loi du 2 août 1962, qui réglemente l'utilisation des langues en matière administrative, comprend un certain nombre de dispositions sur l'utilisation des langues dans l'enseignement. Ces dispositions ne s'appliquent que dans les communes périphériques. Sur la base de l'article 7, § 3 de la loi du 2 août 1962, l'enseignement maternel et primaire peut être dispensé en français dans ces communes. C'est dans ce contexte administratif spécifique que l’adjoint du gouverneur est chargé de contrôler l’emploi des langues dans l’enseignement.88


La loi impose aux bourgmestres des communes périphériques de transmettre à l’adjoint du gouverneur, dans la huitaine, une expédition des actes des autorités communales qui concernent directement ou indirectement l’application des lois et règlements sur l’emploi des langues en matière administrative et dans l’enseignement. Cela lui permet de vérifier si les services communaux appliquent la législation linguistique de façon correcte.

La quote-part de la tutelle administrative dans le volume de travail total du service est de 93 %.

Graphique - Répartition des dossiers selon leur nature

Comme les années précédentes, l’adjoint du gouverneur doit constater que toutes les autorités communales n’envoient pas au service une expédition des décisions prises, bien que cela soit clairement imposé par la loi.

Le service n’a par exemple reçu aucune décision relative aux centres publics d’action sociale durant la période couverte par ce rapport annuel (2016-2019). En plus, à peine trois communes périphériques n’envoyèrent que l’ordre du jour des conseils communaux prévus. Cette manière de faire ne permet d'ailleurs non plus d’exercer la tutelle administrative, puisque seules les décisions exécutoires font l’objet de ce contrôle. Ce n’est pas parce qu’un point est ajouté à l’ordre du jour qu’il est examiné par le conseil communal ou qu’il fait l’objet d’une décision. En outre, la gestion d’une commune flamande revient au conseil communal (niveau de décision général) et au collège des bourgmestre et échevins (gestion quotidienne).

Moins que la moitié des communes périphériques envoya régulièrement une liste des décisions prises ; ceci vaut également pour les expéditions des décisions conformément à la loi. Ces décisions concernaient toutes des désignations du personnel enseignant et administratif des écoles fondamentales communales.

L’adjoint du gouverneur vérifie si ces décisions de désignation ou de nomination sont prises dans le respect de la législation linguistique et donc si les membres du personnel concernés disposent des connaissances linguistiques requises. À l'instar des autres membres du personnel communal, le personnel enseignant et administratif des écoles fondamentales communales doit démontrer qu'il maîtrise suffisamment le néerlandais, la langue administrative, même lorsque lesdits membres du personnel sont nommés dans un établissement où l'enseignement est dispensé en français.

En général, la connaissance du néerlandais est prouvée par le certificat d’aptitude ou le certificat d'études donnant accès à la fonction. Toutefois, le diplôme du personnel des écoles fondamentales francophones des communes périphériques sur lequel est basé la désignation prouve dans la plupart des cas la connaissance de la langue d'enseignement, le français. Conformément à l'article 27 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, la connaissance du néerlandais doit être prouvée par un certificat délivré par le Selor, mais les procès-verbaux figurant dans les dossiers de nomination reçus par le service en font rarement mention. Cependant, compte tenu de la position de la Cour constitutionnelle, la connaissance du néerlandais peut également être prouvée au moyen d’une attestation délivrée par la commission d’examen de la communauté flamande, conformément à l'article 15 de la loi concernant le régime linguistique dans l’enseignement.89 Seulement, pour le moment ces examens ne sont plus organisés.90

Toutefois, les décrets sur le statut juridique du personnel enseignant91 énumèrent d'autres possibilités qui permettent de démontrer les connaissances linguistiques requises, par exemple une formation linguistique dans une école supérieure ou une université. Ou encore, un cours de néerlandais dans un centre d'enseignement pour adultes ou un test CNaVT.

En général, le personnel des écoles fondamentales communales francophones prouve sa connaissance du néerlandais au moyen d'une attestation délivrée par un centrum voor volwassenenonderwijs (centre d’enseignement pour adultes) (CVO). Dans ces cas, compte tenu du point de vue de la Cour constitutionnelle qui a considéré la double charge de la preuve92 des connaissances linguistiques comme disproportionnée, et de l’annulation de l'article 15 de la loi concernant le régime linguistique dans l’enseignement par le législateur décrétal flamand,93 l’adjoint du gouverneur estime que les connaissances linguistiques requises sont prouvées.

Dans plusieurs dossiers de désignation, une « dérogation linguistique » fut demandée au département Onderwijs en Vorming. Une telle dérogation offre à la personne concernée une période de trois ans pour prouver ses connaissances linguistiques.94 La possibilité de demander une dérogation linguistique figure à l'article 16 de la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l’enseignement, ainsi qu'à l'article 19sexies, § 2 du statut juridique concernant l’enseignement subventionné. Il va sans dire que durant cette période, la personne concernée ne peut pas être nommée, mais seulement désignée. 

Au cours de la période couverte par ce rapport d’activités, aucune décision de nomination transmise à l’adjoint du gouverneur n'a été suspendue, les conditions légales étant remplies.

L’adjoint du gouverneur souhaite souligner une fois de plus que l’obligation de notification de l’article 65bis, §2 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative est beaucoup plus large que les seules désignations et nominations dans les établissements scolaires. Cet article se rapporte aux « expéditions des actes des autorités communales qui concernent directement ou indirectement l’application » de la législation linguistique. Il est assez curieux que seules les décisions de désignation ou de nomination du personnel enseignant sont transmises, et ne jamais celles du personnel de l’administration communale. L’application de la législation linguistique peut également être évoquée (ne fut-ce qu’indirectement) dans d’autres décisions, pensons aux décisions relatives à l’envoi des convocations pour les élections, l’approbation du règlement de parking, l’emploi des cartes riverains, la conservation du choix linguistique au moyen d’un système d’enregistrement linguistique …

Le transfert incomplet des décisions a évidemment un impact négatif sur l'efficacité de la tutelle administrative. L’adjoint du gouverneur se voit donc obligée de réitérer son appel des années précédentes et de souligner à nouveau qu'une notification stricte des décisions communales ne peut que bénéficier à la sécurité juridique, à la bonne gouvernance et aux intérêts de toutes les parties concernées.

Quand les nouvelles équipes ont pris leurs fonctions à la tête de la commune après les élections du 14 octobre 2018, l'adjoint du gouverneur a envoyé une lettre aux six communes périphériques, en leur rappelant leurs obligations légales.

La question du transfert difficile des informations ne se limite d’ailleurs pas uniquement aux administrations communales. L’article 65bis § 1, premier alinéa, deuxième phrase, stipule que les instances chargées de la surveillance doivent informer l’adjoint du gouverneur de leurs constatations.95

Notes de bas de page

85 Loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés. La tutelle permet aux pouvoirs supérieurs de vérifier si les pouvoirs locaux n'enfreignent pas les lois en vigueur ou ne portent pas atteinte à l'intérêt public. Les régions étaient déjà compétentes pour l'organisation et le fonctionnement de la tutelle administrative, mais la loi prévoyait également deux exceptions à cette compétence régionale, de sorte que l'organisation et l'exercice de la tutelle sur les communes de la région de langue allemande et l’organisation de la tutelle administrative ordinaire sur les communes périphériques restent dans les compétences du gouvernement fédéral jusqu’au 31 décembre 2001. Depuis le 1er janvier 2002, les communes périphériques relèvent de la compétence du gouvernement régional flamand en ce qui concerne la tutelle administrative ordinaire. 
86 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, article 7, §1, 2ème alinéa : L'alinéa premier ne préjudicie pas à la compétence de l'autorité fédérale et des communautés d'organiser et d'exercer elles-mêmes une tutelle administrative spécifique dans les matières qui relèvent de leur compétence.
87 Conseil d’État 28 novembre 2017, avis 62.235/AG concernant la proposition de loi modifiant les lois sur l’emploi des langues en matière administrative en ce qui concerne la surveillance de l’exécution de ces lois, Chambre des Représentants (2016-2019) doc. 2299/003, p. 4. 
88 Sur la base de l’article 129, §2, 2° de la Constitution, le gouvernement fédéral est compétent pour régler l’emploi des langues dans l’enseignement dans les établissements créés, subventionnés ou agréés par les autorités dans les communes contiguës à une autre région linguistique et où la loi prescrit ou permet l’emploi d’une autre langue que celle de la région dans laquelle elles sont situées. Sur la base de l’article 127, §1, 2° de la Constitution, la Communauté flamande est compétente en matière d’enseignement, également dans les communes périphériques. Depuis le 1er septembre 2012, l’inspection pédagogique flamande contrôle également la langue d’instruction, le respect des conditions linguistiques étant une condition d’agrément. L’inspection linguistique fédérale (BELSPO) vérifie si les conditions d’inscription et les déclarations linguistiques dans les écoles établies dans les communes périphériques sont conformes aux dispositions légales relatives au régime linguistique dans l’enseignement.
89 Cour constitutionnelle 3 mai 2006, arrêt 65/2006, voir également Conseil d’État 25 janvier 2007, arrêt 167.109. La question des exigences linguistiques pour le personnel enseignant dans les écoles fondamentales communales francophones des communes périphériques fut déjà traitée en détail dans des rapports d’activités précédents. Voir Rapport d’activités de l’adjoint du gouverneur du Brabant flamand 2010-2011, p. 62 ; 2012-2013, p. 28 ; 2014-2015, p. 16. 
90 Voir point 6.2.2.4. de la circulaire Pers/2010/02 du 19 janvier 2010 (dernière modification le 8 avril 2016) relative aux exigences linguistiques exigées lors d’une désignation dans une école francophone ou néerlandophone avec une section francophone sur le territoire de la Région flamande, à consulter via https://data-onderwijs.vlaanderen.be/edulex/document.aspx?docid=14174#6.
Voir également le point 3.2.2.8 de la Circulaire Pers/2010/01 du 19 janvier 2010 (dernière modification le 21 novembre 2017) relative aux exigences linguistiques lors d’une désignation dans l’enseignement, à consulter via http://data-onderwijs.vlaanderen.be/edulex/document.aspx?docid=14173#5

91 Décrets du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire et relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves.
92 Selon la Cour, l'article 53 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative enfreint les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu'il exige un certificat Selor langue néerlandaise pour les candidats au poste d'enseignant dans une école fondamentale communale francophone dans les communes périphériques s’ils peuvent prouver leurs connaissances du néerlandais par une attestation connaissance approfondie du néerlandais seconde langue obligatoire dans l'enseignement fondamental, fournie par la commission d'examen compétente de la Communauté flamande.
93 Le législateur décrétal flamand a préféré de reprendre les exigences linguistiques dans les décrets du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire et relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves. Ainsi, l’article 15 était abrogé pour les membres du personnel qui sont soumis aux statuts juridiques.
94 La dérogation linguistique était prévue à l’article 16 de la loi concernant le régime linguistique dans l'enseignement et peut e.a. être retrouvée à l’article 19 sexies, § 2 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves.
95 Note explicative du ministre de l’Intérieur : « [Le vice-gouverneur] devra, à cette fin, bénéficier notamment de la collaboration de toutes les instances chargées de la surveillance de l’exécution de ces lois (commission permanente de contrôle linguistique, inspecteurs linguistiques, etc.) », Chambre, Doc. 331 (1961-1962)-27, p. 70.