La loi sur l'emploi des langues en matière administrative et les traductions

Rapport d'activités 2016-2019

Retour vers l'aperçu

La loi sur l’emploi des langues en matière administrative impose aux pouvoirs publics une règlementation stricte en ce qui concerne l’emploi des langues : en principe, ils ne peuvent employer que la langue de la région. Ceci semble contraster nettement avec l’article 30 de la Constitution, qui garantit la liberté linguistique aux citoyens.

Il existe une tension entre la liberté linguistique des citoyens (article 30 Constitution) d'une part, les obligations linguistiques imposées aux pouvoirs publics (loi sur l’emploi des langues en matière administrative) d'autre part. Le citoyen qui s'adresse à l'administration devra tenir compte des règles linguistiques que les autorités doivent appliquer.

Une telle tension n’est pas inhabituelle ou exceptionnelle, mais elle est renforcée par la nouvelle vision du fonctionnement de l’administration, vision qui met davantage l’accent sur une approche plus orientée vers le client et la réalisation d’une politique locale participative. Les citoyens sont de plus en plus souvent considérés comme clients et partenaires des autorités.

Cependant, l'utilisateur des services publics n'est pas seulement "client". Il est également citoyen ou ressortissant d’un pays et, par conséquent, il est soumis aux législations en vigueur qui créent à la fois des droits et des obligations.

Alors que la loi sur l’emploi des langues en matière administrative règle strictement l’emploi des langues pour les contacts entre le citoyen et les services locaux ou régionaux, partant de l'objectif de "former, partout où c’est possible, des ressorts homogènes",66 le législateur fut également d’avis qu’il est normal que chaque citoyen puisse correspondre dans sa propre langue avec les pouvoirs centraux. Le gouvernement était conscient du fait que cela pourrait poser des problèmes vu les prescrits entourant la langue du service intérieur et nécessiter dans de nombreux cas l'intervention de traducteurs.67

Notes de bas de page

66 Ch., Doc. parl., 1961-62, 331-1, p. 7. 
67 Idem.

Dans plusieurs dossiers ouverts dans la période 2016-2019, la question fut posée de savoir si les services communaux des communes périphériques pouvaient fournir une traduction de documents internes. En vertu de l’article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, les services en question ne peuvent rédiger ces documents qu’en néerlandais.

Une de ces questions concerna le rapport d’une concertation multidisciplinaire (CMD)

En octobre 2018, un habitant d'une commune périphérique demanda si le coordinateur d’une concertation multidisciplinaire (CMD) pouvait refuser de fournir le rapport de cette concertation en français, alors que l'entretien s'était déroulé dans cette langue à la demande de la personne présentant un besoin de soins et son aidant proche.

Le rapport CMD fut rédigé par un assistant social d'un Centre de Services Local (CSL).68 Ce CSL fait partie d'un CPAS d'une commune périphérique. Par conséquent, il doit donc appliquer la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. Dès lors, sur la base de l'article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, le coordinateur de la concertation doit rédiger en néerlandais des documents internes tels que le rapport.

L'obligation d'envoyer une copie du rapport d'évaluation et du plan de soins au Service intégré de soins à domicile (SISD)69 appuie également l'application de l'article 23 (emploi des langues entre les services) et, par conséquent, l'utilisation du néerlandais dans le rapport.

Toutefois, l’adjoint du gouverneur considère que la situation n’est pas uniquement régie par l’article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. En effet, il convient également de tenir compte d’autres prescrits légaux, considérations ou droits, notamment:

  • Dans quelle mesure une concertation multidisciplinaire peut-elle être considérée comme une réunion d’un service interne ?

La concertation en question concerne les besoins de soins d’une personne déterminée. La concertation avec le patient est centrale: après tout, le but d’une CMD est de prendre une décision avec la personne présentant un besoin de soins (ou sa famille) concernant sa situation. Dans une perspective d’autonomie et de respect de l’intégrité des personnes, l’objectif est que la personne présentant un besoin de soins prenne en mains ses soins le plus possible et participe à la société de manière aussi autonome que possible. Une grande importance est donc accordée à la participation du bénéficiaire (ou de son représentant).70

En outre, la personne présentant un besoin de soins doit marquer son accord sur la CMD et sur les participants.71

L’adjoint du gouverneur considère qu’il est difficile, en raison de sa nature et de son objectif, de comparer la CMD à une réunion d’un conseil consultatif au niveau communal, qui relève sans aucun doute de l'application de l'article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative.

Bien que le coordinateur de la consultation, en tant que membre du personnel du CPAS, doive se conformer à la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, tel n'est pas nécessairement le cas pour les autres participants à la consultation. En plus de la personne présentant un besoin de soins et son aidant proche, participent à la CMD des soignants, des aides à domicile, des infirmières/infirmiers, etc. qui assistent la personne concernée et lui prodiguent les soins nécessaires. L'adjoint du gouverneur estima que la qualité de ces différents participants à la consultation n’était pas de nature à permettre une application pure et simple de l'article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative.

  • (Pas d’) Application du régime des facilités ?

En tant que membre du personnel d'un service local dans une commune périphérique, le coordinateur de la consultation doit non seulement appliquer l'article 23, mais également tenir compte des exigences de l'article 25 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. Concrètement, si la personne présentant un besoin de soins le demande, le français doit être utilisé lors de la CMD. 
Cela signifie également que le coordinateur de la consultation doit répondre en français à un e-mail dans cette langue émanant d'un particulier d'une commune périphérique, et qu’il ne suffit pas d’ajouter un rapport original en néerlandais. Selon la Commission permanente de Contrôle linguistique, toutes les mentions sur une lettre et sur l'enveloppe ainsi que toutes les annexes doivent être rédigées dans la même langue.

L’adjoint du gouverneur a déjà fait remarquer par le passé que l'article 25 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, combiné à la loi relative à la publicité de l’administration, ne peut pas résulter en un bilinguisme virtuel de tous les documents internes. Toutefois, cette analyse doit être nuancée dans le cas présent, compte tenu de l'objectif et du contexte particulier de la CMD.

  • Contexte thérapeutique et droits du patient

L'envoi d'une version française du rapport est en outre soutenu par le contexte thérapeutique de la CMD, la législation sur les droits des patients et l'obligation d'informer le patient telle qu'imposée par l’A.R. relatif à l'agrément des services intégrés de soins à domicile.

La CMD doit aboutir à un accord sur les tâches relatives aux soins de la personne concernée. Pour être valable, le plan de soins résultant de la CMD doit être signé par la personne concernée et/ou son représentant. Pour pouvoir le signer (c'est-à-dire pour accepter ce qui a été convenu), la personne présentant un besoin de soins doit pouvoir en prendre effectivement connaissance et comprendre son contenu.

La CMD s'inscrit clairement dans un contexte thérapeutique. Par conséquent, il convient également d'examiner dans quelle mesure la loi relative aux droits du patient72 s'applique à la CMD. Cette législation focalise sur le consentement et le droit à des informations claires.73 Par conséquent, le patient a le droit de consulter son dossier et d’en recevoir une copie. Cependant, il n'est pas explicitement indiqué si le rapport d’une CMD fait partie du dossier du patient.

Contactée à ce sujet, la Commission fédérale ’Droits du patient’ a déclaré que la législation relative aux droits du patient devait être prise en compte: «Indépendamment du fait que le rapport mentionné dans votre e-mail fasse ou non partie du dossier du patient, la loi relative aux droits des patients s'applique en tout cas aux relations juridiques (contractuelles et non contractuelles) de droit privé et de droit public concernant les soins de santé fournis par un professionnel de santé d’un patient».(trad.)

Étant donné que la personne présentant un besoin de soins et son aidant proche étaient présents lors de la concertation, qui s’est déroulée en français à la demande de la personne présentant un besoin de soins, l’adjoint du gouverneur estima indiqué qu’ils reçoivent une version française du rapport par la suite. Dans le contexte de participation, de communication et de concertation caractérisant la CMD, il semble étrange de refuser une version française à un habitant d'une commune périphérique.

Notes de bas de page

68 La réglementation relative aux CSL, en ce compris les missions et les tâches, est reprise dans le décret flamand sur les soins et le logement du 13 mars 2009. Au moment de l’introduction du dossier, le fonctionnement de la concertation multidisciplinaire fut réglé tant par des normes flamandes que par des normes fédérales, respectivement dans les réglementations relatives aux services intégrés de soins à domicile (SISD) et la collaboration entre les prestataires de soins de santé primaires.
69
  A.M. du 18 novembre 2005 fixant le montant et les conditions dans lesquelles une intervention peut être accordée pour les prestations définies à l'article 34, alinéa 1er, 13°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, article 1, 1° et 2°.
70
  A.R. du 14 mai 2003 déterminant les prestations visées à l'article 34, alinéa 1er, 13°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, article 2, 1°, f : Le patient ou un aidant proche qu'il a désigné est tenu d'être présent à la concertation, sauf si le patient déclare que sa présence ou celle de l'aidant désigné n'est pas nécessaire. 
71 A.R. du 14 mai 2003, article 2, 1° c.
72 Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
73 Loi relative aux droits du patient, article 8,§ 1. Le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable. §2. Les informations fournies au patient, en vue de la manifestation de son consentement visé au § 1er, concernent l'objectif, la nature, le degré d'urgence, la durée, la fréquence, les contre-indications, effets secondaires et risques inhérents à l'intervention et pertinents pour le patient, les soins de suivi, les alternatives possibles et les répercussions financières.

Lors du traitement des demandes d'un permis d'urbanisme aussi se pose la question de savoir si certains documents du dossier doivent être traduits lorsqu'ils sont mis à la disposition du public.

En mars 2017, le service de l’adjoint du gouverneur fut contacté  parce qu’un dossier qui pouvait être consulté au service urbanisme d’une commune périphérique ne comprenait pas des documents en français ou des traductions (partielles). La demande d'information concernait le projet GSM-R (GSM for Railway) de l'entreprise publique Infrabel. Le projet visait à augmenter la sécurité par l’installation et la maintenance, sur le territoire d’une commune périphérique, d’une installation de transmission et de réception fonctionnant de manière autonome.

En tant qu'entreprise publique qui, selon la systématique de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, peut être qualifiée de service central, Infrabel emploie uniquement le néerlandais dans ses contacts avec une commune périphérique.74 En outre, l'article 40 LCLA dispose que les avis et communications faits au public par les services centraux via l’entremise des services locaux sont rédigés dans la langue qui leur est imposée en la matière.

Il découle de la nature même de l'enquête publique qui doit être organisée, qu’il faut appliquer le régime des avis et communications (article 24 LCLA), de sorte que les documents doivent être disponibles dans les deux langues (avec la priorité du néerlandais).

Sur la base de la jurisprudence d’avis de la CPCL, on peut conclure qu’un recueil de documents unilingues en néerlandais ne répond pas aux attentes légitimes des habitants des communes à facilités qui invoquent leurs droits linguistiques. Dans ses avis75, la CPCL a toujours tenu compte de l’importance des possibilités de participation des citoyens. Elle estime que tous les textes nécessaires pour, d'une part, comprendre le projet, d'autre part, pouvoir participer pleinement au processus de participation, doivent également être disponibles en français pour les habitants des communes périphériques qui le souhaitent. Quant aux textes utilisés comme ’textes de liaison’, un résumé en français pour les habitants suffit. La Commission est d’avis que, tenant compte du fait que toutes les informations peuvent être consultées à la maison communale, les services communaux doivent veiller à ce que toutes les informations ou explications soient disponibles dans la langue des particuliers.

Lorsque Ruimte Vlaanderen, l'autorité chargée de la délivrance des permis, charge la commune de l'organisation de l'enquête publique, la règle pour ’l’emploi de la langue interne‘ s'applique, de sorte que seul le néerlandais est utilisé entre les deux administrations.76

Le problème ici c’est que la commune, qui reçoit les documents en néerlandais, n’est pas l’auteur de ces documents, elle ne fait que faciliter leur consultation. La question est donc de savoir qui est responsable de la traduction des documents. Est-ce le demandeur ? Est-ce l’autorité qui gère le dossier et prend la décision finale ? Ou, encore, la commune en tant qu'organisateur de l'enquête publique ?

À la suite d'un dossier similaire en 2011,77 une discussion à ce sujet eut lieu au sein de la Commission permanente de Contrôle linguistique. Selon la section néerlandaise de la CPCL, la commune doit assurer la traduction de tous les documents. La section française, en revanche, distingue différentes catégories d'informations et répartit la traduction sur les différents acteurs du dossier, à savoir la Région flamande, Infrabel et la commune. Avec ce point de vue, la section française semble se rallier à la position adoptée par la Commission en 2009, selon laquelle la charge de la traduction était répartie sur la Région flamande et la commune.78

Après plusieurs contacts avec le service d’aménagement du territoire de la commune périphérique concernée, le coordinateur du projet Infrabel et le fonctionnaire régional chargé de l’urbanisme, le responsable du projet d’Infrabel montra sa volonté de prévoir des traductions des passages permettant à un francophone de se faire une idée précise de la nature et de la portée du projet GSM-R tel que conçu dans la commune périphérique en question. Les autres textes resteraient en néerlandais parce qu’il s’agissait d’attestations délivrées par des organismes du gouvernement flamand. Ruimte Vlaanderen, l’autorité responsable de la délivrance des permis, se montra favorable à la réouverture de l’enquête publique et à la traduction des documents essentiels.

Selon le fonctionnaire régional de l’urbanisme, la solution proposée et la traduction dans ce dossier ne posent pas de problème en termes du respect des délais. Toutefois, il avertit qu'une approche similaire pourrait causer des problèmes pour les demandes soumises après le 23 février 2017. À ce moment, les nouvelles règles relatives au permis d’environnement seront d’application. Elles comprennent des délais stricts et (après les prochaines modifications du code) des amendes, si la décision d'accorder ou non le permis n'est pas prise en temps utile. Il a réitéré sa question de savoir qui sera responsable des traductions dans le cadre des demandes des permis d’environnement.

Suite à ses remarques et à une question du secrétaire communal d’une autre commune périphérique relative à l'introduction imminente du guichet numérique d'environnement,79 l’adjoint du gouverneur organisa une réunion avec les différents fonctionnaires délégués. Au cours de cette concertation, les aspects suivants furent examinés :

Des délais stricts dans le Guichet d'environnement

Dans la nouvelle réglementation de l’unique permis d’environnement, l’enquête publique se déroule partiellement de façon numérique (via le guichet numérique, le site web de la commune concernée), partiellement de façon analogue. L’affichage sur les lieux (les bien connues affiches ‘jaunes’), par exemple, est maintenue.

Le guichet numérique permet de consulter les données principales du dossier, mais le dossier complet ne peut être consulté qu’à l’administration communale. La commune organise également l’enquête publique des projets provinciaux ou flamands pour lesquels le traitement et la décision incombent à la députation ou au gouvernement flamand.80

La commune doit tenir compte des exigences de l'article 24 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative ; par conséquent, les annonces et le dossier doivent être consultables en néerlandais et en français.

Suivant la nouvelle réglementation, la commune dispose d’un délai de 10 jours pour rendre la décision concernant la demande accessible à la maison communale, de façon numérique et de façon analogue, et pour publier un résumé sur son site web. La consultation concerne non seulement la décision mais également la demande du permis, les avis d’organes consultatifs, le rapport du fonctionnaire régional chargé de l’urbanisme …

À cause des nouveaux délais qui s'appliquent au début de l'enquête publique, la traduction de textes souvent volumineux et techniques devient délicate, d'autant plus que plusieurs documents sont établis par d'autres administrations.

Selon les informations obtenues des différents fonctionnaires délégués, les demandes d’une traduction (intégrale) dans le cadre d'enquêtes publiques et de recours sont généralement traitées de manière pragmatique au moyen d’un service individualisé en français. Un des participants à la concertation souligna que même pour les néerlandophones, un service individuel est souhaitable, car seule une minorité parvient à interpréter les documents (p.e. les plans géographiques) correctement.

Cette approche pragmatique est conforme au point de vue de la CPCL, qui conclut dans plusieurs dossiers que « lorsque des dossiers sont portés à la connaissance du public dans les administrations communales, ces administrations veillent à ce que les particuliers habitant ces communes puissent obtenir tous renseignements ou explications dans leur langue ».

Il ressort d’avis récents de la Commission que les communes sont de plus en plus fréquemment chargées de la traduction : l'autorité qui doit communiquer les documents dans la langue imposée par les LCLA ou LORI est responsable de la traduction.81

Vu les délais de traitement courts et stricts de la nouvelle réglementation, la nécessité de (faire) traduire des textes peut devenir problématique, si elle n'est pas prévue dès le début. En particulier dans le cadre de certains projets (tels que ceux soumis par des entreprises publiques), certains participants attendent des demandeurs qu'ils en tiennent compte davantage dès le début du projet.

Charge de travail accrue en raison des traductions

Comme déjà dit, le problème de la charge de travail accrue pour les communes périphériques à la suite des traductions avait déjà été soulevé indirectement par une commune périphérique en avril 2016, en marge d’une demande d’intervention auprès de Ruimte Vlaanderen pour l'absence d’une interface française dans le nouveau guichet numérique d'environnement.82 Les habitants de la commune périphérique en question qui souhaitaient déposer leur dossier en français sur la base de l’article 25 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative ne pouvaient pas utiliser la plateforme numérique, et devaient l’introduire de manière analogue (sur papier). Le secrétaire communal s’inquiéta de la charge de travail supplémentaire que cela entraînerait, car la commune devra introduire les dossiers analogues déposés en français dans la plateforme d'échange,83 d’où la nécessité d’une traduction.

Au moment de la demande d’avis du secrétaire communal, les communes pouvaient au choix traiter les dossiers de façon analogue ou numérique. Selon le responsable du projet au sein de Ruimte Vlaanderen, le codage (si souhaité) d'un dossier analogue introduit en néerlandais ne diffère pas du codage d’un dossier introduit en français.

Cependant, l'inquiétude du secrétaire communal concernant la charge de travail supplémentaire des communes périphériques est compréhensible. Même si un particulier, habitant n’importe quelle commune en Flandre, peut toujours introduire sa demande de manière analogue - de sorte que ces administrations doivent également "numériser" le dossier, c'est-à-dire introduire les données dans la plateforme de manière structurée - d'autres facteurs peuvent effectivement avoir une incidence sur la charge de travail des communes périphériques.

Tout d’abord, il y a de bonnes raisons pour supposer que le passage au guichet numérique se fera plus facilement dans les communes linguistiquement homogènes, ce qui permettra de réduire relativement rapidement le nombre de dossiers introduits de manière analogue. Après tout, le guichet numérique peut aider à remplir la demande, puisque certains outils remplissent automatiquement des données ou peuvent soutenir cette modalité, ou encore, ne montrent pas les questions auxquelles il n'est pas nécessaire de répondre... Dans les communes périphériques, ce pas vers la numérisation semble moins évident, d’autant qu’une interface en français n’est pas (encore) disponible. Dans ces communes, l’introduction d’une demande d’un permis de construire n’est donc possible qu’en néerlandais. Compte tenu de la composition de la population communale, il n'est pas inconcevable que des maîtres d’ouvrage souhaitent toujours soumettre leur dossier en français, même si cela n'est pas possible de façon numérique.

En outre, il existe une procédure dérogatoire pour les communes périphériques : dans ces communes, les dossiers qui doivent en principe être soumis sous forme numérique - tels que les demandes introduites avec l'aide d'un architecte - sont toujours introduits de façon analogue si le maître d’ouvrage souhaite faire appel au régime de facilités.

Le secrétaire communal considère que non seulement cela implique un travail de codage supplémentaire, mais l'administration – avec le maître d’ouvrage – doit également traduire la demande relative aux travaux avant de les introduire dans la plateforme d'échange.

La pratique a montré que des problèmes peuvent surgir lorsque le traitement d’une demande nécessite l’avis d’une autre administration. Par exemple, dans le passé, l’adjoint du gouverneur a traité une demande parce qu'un organisme consultatif flamand avait refusé de déclarer une requête recevable en raison des documents français repris dans le dossier.84

De la réunion de concertation organisée par le service de l’adjoint du gouverneur, il est clairement ressorti que les différents représentants des communes périphériques partagent les mêmes préoccupations concernant la charge de traduction dans les dossiers d'aménagement du territoire.

Une inquiétude porte sur les conséquences financières résultant de l’exigence de la traduction intégrale des dossiers. Cette exigence semble non seulement difficile à concilier avec la simplification administrative envisagée et le traitement plus efficace des demandes de permis de construire, mais également irréalisable d’un point de vue financier.

Certains participants étaient d’avis qu’outre la mobilisation de ressources financières et humaines, la charge de la traduction implique une appréciation substantielle. Ils veulent bien assumer la responsabilité du déroulement correct de la procédure, mais considèrent qu’il est moins évident de porter la responsabilité de la traduction de documents destinés à des organes consultatifs ou à l'enquête publique.

Notes de bas de page

74 LCLA, art. 39, §2, alinéa 2. 
75
 CPCL 29 novembre 2009, avis 41.039; 20 février 2009, avis 39.232; 30 mai 1996, avis 28.110. 
76 LCLA, art. 23. 
77 CPCL, 14 janvier 2011, avis 41.139 (avis rendu suite à une demande supplémentaire afin de savoir qui est chargé de la traduction de la décision de l’autorité accordant les permis en vue de la notification aux habitants). 
78 CPCL, 20 février 2009, avis 39.232. Les avis 39.232 et 41.039 concernent la demande d’un permis d’urbanisme introduite par Infrabel pour le projet RER sur la ligne 124 Bruxelles-Charleroi. 
79 Pour en savoir plus, voyez le chapitre « La législation linguistique dans une société numérique » de ce rapport. 
80 S’ils le souhaitent, les habitants des communes périphériques peuvent également introduire leur demande en français près les services provinciaux (art. 34 ,§1 LCLA) et les services de l’Exécutif flamand (art. 36, §2 LORI). 
81 CPCL, 2 décembre 2016, avis 48.158. L’avis se rapporte à une demande d’autorisation urbanistique dans des communes germanophones. 
Voir également l’avis 40.164, CPCL du 7 octobre 2010. L’avis se rapporte à une commune bruxelloise qui doit organiser l’enquête publique pour un dossier géré par la Direction d’Aménagement du Territoire et du Logement du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale.
 

82 Pour plus de renseignements, voir le chapitre « La législation linguistique dans une société numérique » dans ce rapport. 
83 « Leidraad Omgevingsvergunning voor gemeentebesturen » : « Afin de pouvoir transformer le registre des permis d’environnement en une source authentique d'informations concernant les permis, toute décision doit être numérique. C'est pourquoi les dossiers de demande analogues doivent être convertis en dossiers numériques lorsqu’ils sont déclarés recevables et complets. Cette version numérique constituera ensuite la base du traitement de la demande et de la décision finale » (trad.). À consulter via https://www.omgevingsloketvlaanderen.be/sites/default/files/atoms/files/Leidraad%20omgevingsvergunning%20voor%20gemeentebesturen.pdf p. 120.
84 Voir Rapport d’activités du service de l’adjoint du gouverneur de la province du Brabant flamand 2010-2011, La législation linguistique et les traductions, p. 50.
Le dossier concerna la demande d’un permis de construire. L’organe consultatif compétent estima qu’en tant qu’autorité flamande, il ne pouvait pas traiter des dossiers en français. Bien que les services des communes périphériques doivent, bien évidemment, employer le néerlandais dans leurs rapports avec l'administration flamande, l’adjoint du gouverneur considéra problématique qu'un service du gouvernement flamand exigerait une traduction de documents (introduits par un particulier) dans un dossier devant être considéré comme recevable par ce service (y compris les documents en français) si le citoyen le soumet directement.

En mars 2019, un service de la province du Brabant flamand posa la question de savoir dans quelle mesure les documents destinés à l’enquête publique dans la procédure d’adoption du plan de politique spatiale Ruimte Vlaanderen devaient être traduits et mis à la disposition des habitants des communes à facilités.

Sur la base du Code flamand de l'aménagement du territoire (VCRO), l'aménagement du territoire de la Région flamande, des provinces et des communes doit être fixé dans des schémas de structure d’aménagement ou des plans de politique spatiale. Un plan de politique spatiale contient une vision stratégique à long terme pour le développement spatial. Le gouvernement flamand attache une grande importance à la participation et au concours du public. La consultation de la population est obligatoire à différents stades du processus d’établissement et comprend l'organisation d'une enquête publique.

Obligation d'information

La députation est légalement tenue de fournir des informations sur le plan de politique spatiale aux communes et au public. Ainsi, le public doit être informé via les médias traditionnels (avis dans les bulletins d’information communaux, quotidiens, hebdomadaires et Moniteur belge) et via le site internet de la province et de chaque commune.

Consultation obligatoire

Le public doit également être consulté sur l’établissement du plan de politique spatiale. Cette consultation est obligatoire et peut prendre différentes formes. Elle peut avoir lieu à différents moments du processus d’établissement. La députation prévoit au moins la possibilité pour les citoyens de réagir par écrit (par voie analogue ou numérique) au document conceptuel, qui est publié dans son intégralité sur le site web de la province. Une version analogue peut également être consultée via les communes.

Enquête publique

Il doit également y avoir une enquête publique, qui doit être annoncée dans les 60 jours suivant l’adoption provisoire, au moins par les canaux habituels (bulletins d’information communaux, quotidiens, hebdomadaires, Moniteur belge, sites web provinciaux et communaux). L'annonce contient ou mentionne au moins une explication concise, le lieu où le plan peut être consulté, la date de début et de fin de l'enquête publique, des informations sur les réunions d'information et de participation, la manière dont le public peut faire connaître ses réactions, le lieu et le moment où il peut le faire....

Le projet lui-même doit être disponible sur le site web de la province et à la maison communale. À cet effet, la députation envoie à chaque commune une version analogue.

Les services provinciaux doivent appliquer les prescrits linguistiques de l'article 34, § 1 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. Cela signifie qu'ils ne peuvent utiliser que le néerlandais dans leurs contacts avec les services communaux des communes périphériques. Toutefois, dans leurs contacts avec les habitants de ces communes, ils peuvent employer le français dans les situations prescrites par la loi.

L'annonce de l'enquête publique, les documents que le public peut consulter dans le cadre de cette enquête publique et les avis dans ce contexte sur les sites web provinciaux et communaux sont des "avis et communications au public".

Sur la base de l'article 34 § 1, les services provinciaux utilisent pour leurs avis directs la langue de la commune où se trouve leur siège, à savoir le néerlandais. La Commission permanente de Contrôle linguistique est néanmoins d'avis qu'une application littérale de la loi rendrait de facto impossible la publication d’avis et communications bilingues au public des communes à facilités. Selon la Commission, une telle interprétation irait à l’encontre de l’économie générale de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative qui, d'une part, entend renforcer l'homogénéité des régions linguistiques unilingues et, d'autre part, accorde expressément des facilités aux habitants des communes à facilités. Selon la Commission, le néerlandais et le français doivent être utilisés lorsque les services s'adressent directement et spécifiquement au public de ces communes. Tel est également le cas pour les documents qui doivent être communiqués au public de ces communes en vertu de la loi.

Les avis mis à la disposition du public par les services communaux suivent le régime linguistique de ces services et, sur la base de l'article 24 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, doivent donc être rédigés en néerlandais et en français dans les communes périphériques. Selon la Commission, cette approche n’implique pas que, dans une région unilingue, la langue de la région perde sa priorité, ni que les deux langues soient mises sur un pied d'égalité à tous égards.

Il ressort de la jurisprudence de la Commission que, lors de l'organisation d'une enquête publique dans les communes à statut linguistique spécial, tous les textes indispensables à, d’une part, la compréhension de la conception du projet, d’autre part à la pleine participation à la procédure de participation doivent également être disponibles en français pour les habitants qui le souhaitent. Pour les textes utilisés comme ’textes de liaison’ et décrivant la problématique concernée en général, un résumé en français suffit pour ces habitants.

La réglementation énumère clairement les informations minimales qui doivent être mises à la disposition du public. Ces documents semblent pouvoir être pris en compte pour une traduction.

Par conséquent, le public des communes périphériques doit être informé en français des possibilités de participation et de la portée générale du projet, y compris le résumé mentionné à l'article 23, § 1 de l'arrêté du gouvernement flamand du 30 mars 2018 fixant les modalités relatives à l'élaboration, l'adoption et la révision de plans de politique spatiale et modifiant divers arrêtés du Gouvernement flamand dans le cadre de la réglementation de la planification stratégique spatiale (M.B. 25/04/2018).

En ce qui concerne les annonces dans les quotidiens et hebdomadaires, compte tenu de l'absence d'un quotidien régional (bilingue) axé sur les six communes périphériques, la publication de ces avis en néerlandais dans la presse ordinaire (c'est-à-dire distribuée sur tout le territoire de la province) et dans les deux langues dans les bulletins d’information communaux informerait suffisamment les habitants francophones de ces communes.

Sur la base de l'article 24 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, les annonces sur les sites web communaux doivent, bien entendu, être bilingues, avec une priorité au néerlandais.

Pour l'enquête publique, tous les documents essentiels doivent être disponibles en français pour les habitants qui le souhaitent. Ici aussi, l'arrêté du 30 mars 2018 offre un bon point de départ : le document conceptuel doit être disponible dans son intégralité sur le site web de la province et auprès des services communaux. Il peut donc être considéré comme un document essentiel.

Les services provinciaux devront évaluer sur la base du dossier concret quels autres documents doivent être considérés comme essentiels. Il est important que les habitants soient correctement informés sur la portée générale du plan et (au moins) sur les aspects spécifiques à leur région. L’adjoint du gouverneur considère qu’il est donc acceptable que des parties du plan de politique spatiale dont l'impact est limité à d'autres régions ne soient pas traduites.

La publication intégrale en français du document conceptuel sur le site web provincial peut poser problème. Les facilités linguistiques ont été attribuées aux habitants des communes à facilités et ne peuvent pas résulter en un bilinguisme généralisé dans une région linguistiquement homogène. Étant donné que le document conceptuel doit également pouvoir être consulté auprès des services des communes périphériques ’d'une manière accessible à tous’, on pourrait envisager de convenir avec une des communes concernées de publier également le document conceptuel sur son site web. Ensuite, on pourrait insérer un lien du site provincial vers la page (en français) de ce site communal au profit des habitants francophones des communes périphériques. Cette dernière piste est une suggestion qui n'a pas été réalisée auparavant.

Toutefois, du point de vue de la sécurité juridique, l’adjoint du gouverneur estime qu'il est indiqué que les services provinciaux fournissent une traduction en français. Cela éviterait des discussions sur des différences de contenu suite à une multitude de traductions, ainsi que des retards inutiles dans la réalisation du projet.