L'emploi des langues au conseil communal

Rapport d'activités 2022-2023

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Quelle langue les mandataires communaux des communes périphériques doivent-ils utiliser au sein du conseil communal ? C'est un point sur lequel les avis restent partagés, même s’il est établi que le processus décisionnel doit se dérouler en néerlandais pour être juridiquement valable.

Le droit aux facilités lors de la diffusion en direct des réunions du conseil communal

En février 2022, l’administration d’une commune périphérique souhaitait savoir dans quelle mesure le droit aux facilités octroyé aux habitants francophones avait un impact sur la diffusion en direct (livestream) des réunions du conseil communal sur YouTube. En effet, pendant la crise du covid, ces réunions étaient organisées de manière numérique. Pour garantir la publicité des séances, elles étaient également accessibles aux habitants par le biais d’une retransmission en direct. L’administration avait continué à appliquer cette pratique et voulait savoir si dans ce cas de figure une traduction devrait être prévue pour les habitants.


L'article 162 de la Constitution dispose que la publicité des réunions des conseils communaux doit être garantie. En Flandre, ce principe a été fixé par l'article 28, §1 du décret sur l’administration locale. Des règles encadrant les réunions en ligne ont également été élaborées. Le caractère public du conseil communal est ainsi garanti par une liaison audiovisuelle en direct permettant aux citoyens de suivre la réunion à distance et en temps réel.

Mais ce cas de figure est aussi régi par le principe selon lequel le néerlandais doit être utilisé pourque le processus décisionnel soit juridiquement valable.

Ce principe a été confirmé par le premier ministre de l’époque lors de la discussion de la loi de pacification dans la Chambre des Représentants.1 Le gouvernement flamand a déjà clairement indiqué à plusieurs reprises qu'il interviendra dans le cadre de la tutelle administrative générale s'il est dérogé à ce principe. Il a également précisé dans ses circulaires que les traductions en français des débats des conseils communaux ne sont pas autorisées. En effet, les facilités sont accordées aux administrés et non aux administrateurs. Ces derniers sont présumés avoir la connaissance de la langue de la région nécessaire à l’exercice du mandat. outefois, la question de la nécessité d'une traduction en français pour la diffusion en direct a été soulevée du point de vue des particuliers souhaitant suivre la réunion du conseil communal. Selon l'adjoint du gouverneur, la façon dont les réunions du conseil communal sont organisées (réunion physique ou réunion en ligne) n'entraîne pas de changement en termes d'emploi des langues. Aucune infrastructure n'est normalement prévue pour permettre au public qui assiste aux réunions physiques de suivre les débats en français.

Dans son arrêt 26/98, la Cour constitutionnelle a affirmé qu'il est plus difficile pour les électeurs ou habitants francophones des communes périphériques de suivre les débats du conseil communal en raison de l'emploi obligatoire du néerlandais dans le processus décisionnel. Elle a néanmoins estimé que cela n'empêche aucun électeur d'exercer un contrôle démocratique sur les élus. La Commission permanente de Contrôle linguistique aussi est d’avis qu’un habitant francophone d'une commune périphérique qui assiste au conseil communal en tant qu'observateur n'a pas le droit d'exiger que les conseillers communaux utilisent le français lors de la réunion parce qu'il ne comprend pas leurs interventions en néerlandais.


Le simple fait que le public ne doive pas se rendre physiquement dans la salle de réunion pour assister aux débats, mais qu'il puisse les suivre via la diffusion en direct ne modifie pas de façon substantielle les prescrits linguistiques applicables aux réunions du conseil communal. Quant aux réunions en ligne du conseil communal, la commune peut adopter l'approche bien établie pour les réunions avec présence physique des conseillers et du public dans la salle du conseil.


Toutefois, la nature de l'acte administratif, et par conséquent les prescrits linguistiques, changent lorsqu'un enregistrement vidéo ou audio reste accessible au public par la suite, comme c’est le cas lors d’une diffusion en continu à la demande permettant aux habitants de regarder le fichier à leur convenance ou aussi souvent qu'ils le souhaitent. En effet, sur la base de l'article 24 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, les avis et communications au public sur le site web de la commune doivent être accessibles en néerlandais et en français.

Les communes sont tenues par décret de publier sur leur site web une liste des décisions, l'ordre du jour et le procès-verbal du conseil communal. Bien que la création d’un fichier audio(visuel) des réunions du conseil communal ne soit pas obligatoire, le conseil communal peut décider de remplacer le compte rendu, qui est traditionnellement un document écrit, par un enregistrement audio(visuel). Or, le compte rendu du conseil n'est pas un document soumis à publication. La manière dont la commune présente l’information en français au particulier relève évidemment de l'autonomie communale. Toutefois, la commune doit tenir compte des implications de l'approche choisie en termes de législation linguistique.

Note de bas de page

1 Chambre, 1988, Rapport de la Commission de l’intérieur, exposé introductif du premier ministre, 529/8, 14.

La langue d'un habitant qui prend la parole au conseil communal dans le cadre de la participation civile 

En novembre 2022, une commune périphérique a demandé si ses habitants sont tenus d'utiliser le néerlandais quand ils prennent la parole au conseil communal dans le cadre de la participation citoyenne.

En vertu de l'article 23 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, les services locaux des communes périphériques utilisent uniquement le néerlandais dans leurs services intérieurs. Ce principe s'applique à tous les organes communaux. Selon le Conseil d'État, la notion « service intérieur d'un service local » comprend les organes de ces administrations, à savoir les conseils communaux et les collèges échevinaux, lorsqu'ils agissent au niveau administratif. Le Conseil a également précisé dans plusieurs arrêts que le néerlandais doit être utilisé pour l'ordre du jour, l’introduction des points à l’ordre du jour et les documents soumis ; en outre, le néerlandais est la langue des délibérations.

Le gouvernement flamand insiste pourque cette exigence soit strictement respectée.

Parallèlement, sur la base de l'article 25 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, les services locaux doivent, dans leurs contacts (oraux et écrits) avec les citoyens, répondre dans la langue (néerlandais ou français) que les citoyens ont utilisée. Les facilités ne peuvent être invoquées que par les administrés et non par les administrateurs. En outre, elles ne sont accordées qu'aux habitants d'une commune à statut linguistique spécial.

La commune périphérique en question avait prévu dans son règlement de participation trois actions qui peuvent donner lieu à des rapports entre des particuliers et des organes communaux au sens de l’article 25 de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative, à savoir :

  • le droit de porter à l’ordre du jour du conseil communal des propositions et questions et de venir les exposer ;
  • le droit d’introduire des pétitions. Le demandeur peut être entendu par le conseil communal ;
  • le droit d’introduire une interpellation. La séance d’interpellation se tient avant la séance publique du conseil communal.

Les habitants (en leur qualité de particulier) n'étant pas des membres effectifs du conseil communal, l'exigence reprise à l'article 23 de la loi ne leur est pas applicable. Un particulier, qui a légalement droit aux facilités, peut donc, s'il le souhaite, présenter sa question ou sa proposition en français ou être entendu en français sur sa pétition.

Les habitants ont également droit à une réponse dans la langue qu'ils ont utilisée. En effet, l'article 25 n'accorde pas seulement le droit aux habitants d’utiliser la langue de leur choix (néerlandais ou français), mais impose également aux services l'obligation d'utiliser le français à la demande de ces habitants.

Le conseil communal doit appliquer à la fois l'article 25 et l'article 23. Il convient donc de distinguer d'une part les activités qui relèvent du «service intérieur», c'est-à-dire toute activité qui n’implique pas de contact direct avec le citoyen, d'autre part les situations dont découlent des «rapports avec des particuliers».

Le français peut donc être utilisé lorsque l’habitant est entendu, mais la délibération et le processus décisionnel doivent toujours se dérouler en néerlandais.
L’adjoint du gouverneur a également souligné qu’il est important que le début et la fin de l'audition soient bien indiqués. En effet, il doit être clair pour tous les participants au débat que ce n'est que pendant l'audition que l'on peut déroger au principe de l'emploi du néerlandais pour les délibérations du conseil communal. Il est également recommandé de bien indiquer la fin de la séance d'interpellation, qui se tient avant la séance publique du conseil communal.

Le fait que les habitants peuvent utiliser le français dans leurs rapports avec les services locaux ne signifie certainement pas que l'on puisse attendre de tous les conseillers communaux qu'ils maîtrisent cette langue. Afin que tous les conseillers communaux puissent participer en toute connaissance de cause à la délibération sur la pétition, la question ou la proposition, les services communaux devront tout d'abord traduire en néerlandais toutes les pièces du dossier que l’habitant a déposées en français. La commune devra également veiller à ce que les interventions en français à l'audition soient traduites, afin que tous les conseillers communaux disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée sur la proposition ou la pétition. Lors de l'audition, un participant de l'autorité communale devra donc avoir une certaine connaissance du français pour pouvoir s'adresser à l’habitant en français et pour veiller à ce que tout se déroule au mieux sur le plan linguistique.

Le procès-verbal est bien entendu rédigé en néerlandais. Toutefois, il n'est pas interdit d'y inclure les interventions littérales du demandeur et la question en français. Or, il doit être clairement indiqué que le texte français est une citation littérale. Ces citations doivent également être traduites en néerlandais.